La guerre n’est pas une fatalité, la paix est un devoir.

« Nous sommes en guerre ». Entendre ce refrain qui, une énième fois, place la France dans un conflit armé total et global, sans entrave aucune, devrait tous nous obliger à réagir. Laisser s’installer ce discours, c’est habituer nos consciences à la cruauté. Les passions guerrières ne sont jamais spontanées, mais toujours suscitées et entretenues par des défaites plus essentielles, des défaites intellectuelles.

Paix

Nous ne sommes pas en guerre. Une guerre implique un ennemi, clair et défini. Le terrorisme n’en n’est pas un. Il est déstructuré, invisible, nomade. L’armée française livre bataille à quelques commandos terroristes, mais certainement pas à leur idéologie universelle. On n’éradique pas le terrorisme, l’issue nous serait même fatale. Quand on entre en guerre, il faut un vaincu à l’issue et, vaincus, nous risquerions de le devenir en nous mêlant au gouffre syrien. Une fois les troupes au sol à Raqqa, quelle sera l’issue ? Sûrement pas un armistice. Soit nous resterons et ce sera le chaos, soit nous partirons et ce sera une défaite, une guerre de prolongations. Quid de l’Irak, quid de l’Afghanistan.

Daech a un territoire, une organisation et un mode opératoire, certes. Mais Daech n’est pas un Etat, Daech n’a pas de véritable armée, et encore moins l’envie de négocier avec ses opposants. Or la guerre n’est rien d’autre qu’une étape de négociation qui a pour but ultime de régler un conflit entre deux Etats, de gagner une issue politique. Pis, en parlant de guerre impunément, on donne la dignité de soldats à des délinquants, on élève leur statut. Il y a en effet une disproportion entre l’effet psychologique des attentats de masse et les dégâts réels qu’ils provoquent. En décrétant la mobilisation nationale contre Daech, nous faisons leur jeu car nous amplifions leur influence dans les esprits.

La paix n’est pas une utopie

La violence a éclaté chez nous. Ce qui se passe au quotidien au Proche Orient est arrivé à Paris. Mais il est inadmissible pour autant de tolérer le retour de la rhétorique guerrière, cette voie sotte et idiote qui ensanglante les patries. Plus la guerre recule dans les faits et plus elle avance dans les discours. Sa légitimation, une fois libérée, n’épargnera aucune cible. Qui sera l’ennemi demain, dans cette guerre sans fin, si ce n’est le musulman de France et, plus tard, la démocratie ? Il faut redonner aux citoyens le sens de l’Histoire et de l’engagement, plutôt que celui de l’appel au combat.

La paix n’est pas une utopie. Elle est un but inévitable, comme l’écrivait Victor Hugo. Elle est même un devoir de fidélité. A notre histoire, à notre mémoire, à notre héritage. Aurions-nous oublié le meilleur de nous-mêmes ?  Refuser la guerre, c’est sauver l’honneur de la France. Pour vaincre la terreur, il faut des mesures de défense, de répression, mais qui ne requièrent pas l’utilisation de l’armée. Cette mission revient à la police et aux renseignements, seules entités capables de prévenir de nouvelles attaques, sans céder à l’usage outrancier de notre force.

La guerre n’est pas une fatalité et la paix est un devoir. Apprenons à lui faire honneur, à nouveau, pour que les larmes cessent et que les armes cèdent à la toge*.

(*Cedant arma togae, Cicéron)

Article à retrouver sur Les Eclaireurs magazine.

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